L* narrateur* (dans le roman l’emploi de l’astérisque sert à pallier l’impossibilité en français de désigner le genre neutre ou indéterminé) évolue dans le milieu queer contemporain des bars et des nuits parisiennes, où iel rencontre ses ami*s. Iel habite, au dix-huitième étage d’un immeuble, un appartement dont chaque pièce est envahie par des plantes et des arbres en perpétuelle croissance. Iel travaille le jour comme hôtesse d’accueil, capitalisant sur sa féminité apparente. Un soir dans un café, iel rencontre une personne anglophone qui se genre au masculin et vient régulièrement à Paris pour son travail de compositeur. Commence alors une relation complexe, lieu d’un déchirement entre deux cultures féministes (le féminisme en France et celui d’une « ville du Nord » de l’Europe), entre deux langues (avec une prise en compte des questions de domination linguistique qui viennent interférer avec les questions de genre). À travers ce récit où rien n’est jamais tout à fait stabilisé, toujours en évolution et en transformation, l’auteurice explore des possibilités nouvelles d’habiter le langage et de dépasser les binarités, de genre comme celles entre humain et non-humain. Le roman interroge aussi bien les normes linguistiques que leur inscription dans les corps et les sexualités.
L’écriture tout à la fois foisonnante et maîtrisée de Camille Cornu est au service d’un récit sans cesse surprenant, où les plantes s’immiscent dans le quotidien et brouillent les frontières entre rêve et réalité. Un livre fascinant, profondément contemporain, qui montre l’évolution d’un* personnage s’échappant des normes et des catégories, s’inventant un langage et créant de nouvelles alliances avec les végétaux.