Chloé Delaume, l’une des plus importantes romancières de la jeune génération, décide de prendre le taureau par les cornes. Les débats sur l’autofiction n’ont cessé de réduire cette pratique à celle d’une forme littéraire de narcissisme. Il est vrai que nombreux sont les praticiens avérés de l’autofiction à s’y complaire. Pourtant, il suffit de considérer à nouveau l’histoire de la littérature pour constater que celle-ci se confond avec l’autofiction : de Madeleine de Scudéry à Boris Vian, de Jean-Jacques Rousseau à Jean-Jacques Schuhl, d’Arthur Rimbaud à Pierre Guyotat, la littérature a toujours été invention de soi. Que ce Soi n’ait rien à voir avec la personne même de l’auteur est ce qui rend l’autofiction si paradoxale, et si ironique. Loin de n’être que le miroir d’égos minuscules, l’autofiction — ou plutôt, comme préfère le dire Chloé Delaume, l’“autoréalisme”, ou encore la “psychofiction” — est une manière de refuser les cloisonnements que la critique, l’Université ou un certain bon goût aiment à introduire entre auteur, narrateur, personnage et lecteur. En ce sens, l’autofiction représente d’abord la dimension politique de toute littérature : en elle se joue une nouvelle manière d’organiser ces cloisonnements — manière subversive, dont aucun “Moi” ne sort indemne. Au cours de son enquête en direction des nouveaux “Moi” qu’invente l’autofiction, Chloé Delaume dialogue avec les plus grands auteurs, les plus grands critiques et les plus grands philosophes du moment : où l’on découvrira que nul ne peut se dire absout du péché autoréaliste.