Dans ce roman nihiliste jubilatoire, Mourareau, en fin observateur, dresse un portrait au vitriol et sans concession d’une société exsangue. Ce roman à trois voix au rythme vertigineux, dans une langue truffée de néologismes et de détournements brillants, distille insidieusement chez chacun de nous des pistes de réflexion et d’introspection.
Dans un futur proche, le monde est devenu à peu de chose près ce qu’on peut imaginer de pire. Les pays sont gouvernés comme des entreprises cotées en bourse, les téléphones se permettent des jugements cinglants sur leurs propriétaires et la terre s’est transformée en une télé-réalité géante, hystérique et incontrôlable : tout part à vau-l’eau. Bleu et Rose, anti-héros parisiens représentatifs de leur espèce en perdition, veulent croire qu’ailleurs, une autre vie est possible. Ils sont – surtout – criblés de dettes qui ne leur laissent pas d’autre alternative que la fuite. Direction le bout du monde donc : la Polynésie. Reste à savoir si la misère est effectivement moins pénible au soleil...
Dans une ambiance apocalyptique et avec un savant mélange d’humour noir et d’absurde, Mourareau nous peint une satire aussi politiquement incorrecte qu’inquiétante et jubilatoire. Mais comme l’écrit l’auteur, « il y a dans la plaisanterie quelque chose qu’on ne pourrait sérieusement assumer » et c’est bien là tout l’enjeu de ce texte : on rit mais on grince des dents aussi. Bleu et Rose, fruits d’une société putrescente, sont détestables et émouvants. Peut-être parce qu’il est impossible de ne pas se reconnaitre un peu dans ces deux personnages, nous qui portons tous en nous, quelque part, la possibilité d’une chute.
Avec Méridien zéro, Mourareau ne nous livre rien de moins qu’un roman sur la déchéance de l’humanité, et ce demain. Un ovni littéraire drôle, cynique et effrayant, à prendre au 36e degré... ou pas.