Pour ce 4e livre de la collection « Récits d’objets » coédité par les éditions Cambourakis et le musée des Confluences, Pierric Bailly a quelque peu joué de la contrainte imposant de choisir un objet dans les collections du musée en optant pour le musée en lui-même : le bâtiment, véritable ovni architectural posé à la confluence du Rhône et de la Saône, suscite le débat parmi les visiteurs et les passants. Mais au-delà des interprétations quant au bon goût et à la forme de la structure que Pierric Bailly s’attache à recueillir, ce sont les interactions de la population avec ce bâtiment qu’il observe. Car si l’on pense d’abord au musée comme à un lieu qui se visite pour les oeuvres et les travaux qui y sont exposés, on ne le conçoit pas immédiatement comme un objet qui structure pourtant inévitablement l’espace et les activités humaines autour de lui. Ainsi Pierric Bailly surprend des amoureux en promenade, rencontre des boulistes invétérés, des jeunes amateurs de skate et de techwear s’y retrouvant pour filmer leurs exploits, des bénévoles de l’association Graille qui y préparent des repas en groupe avant d’aller les distribuer aux plus démunis dans toute la ville… Au fil de ce reportage profondément humain se dévoile l’histoire de cette presqu’île autrefois dévolue à la construction des bateaux-mouches, en même temps que s’esquisse une fonction muséale inattendue, acteur social pour ses visiteurs mais également pour tous ceux qui n’y entrent pas, soit parce qu’ils n’osent pas, soit parce que cela ne les intéresse pas… jusqu’à ce que ça change. De manière plus générale, c’est une réflexion touchante sur la porosité d’un lieu avec son environnement qui en découle.