Aujourd’hui disparu, Philippe était un brillant étudiant en philosophie, disciple de Gilles Deleuze. Il avait réchappé à la mort de justesse, alors qu’il était tout bébé, en raison d’une malformation auriculaire qui aurait pu provoquer une infection généralisée si sa mère n’avait pas insisté pour qu’il soit opéré. Une photo a immortalisé son départ pour l’hôpital, ses parents pensant que ce serait la dernière image qu’ils conserveraient de lui.
C’est à partir de cette photo, où il est dans les bras de sa mère, devant une fenêtre, au premier étage de l’appartement situé au-dessus du café tenu par ses parents, que les souvenirs de ceux qui l’ont côtoyé se croisent. De la confrontation des voix de son meilleur ami étudiant, des voisins de son enfance ou de ses parents émerge ainsi un portrait kaléidoscopique de Philippe, celui d’un trans- fuge de classe, homosexuel, fils d’un immigré parti faire des études à Paris. Surtout, tandis que les points de vue se confrontent, c’est la variabilité des souvenirs et de l’idée que l’on a d’une même personne selon la relation qui nous liait à elle qui est mise en évidence. De même que la prégnance des non-dits lorsque se croisent la petite et la grande histoire, en l’occurrence la Seconde Guerre mondiale…