Le point de départ de l’ouvrage est un féminicide, celui de Shaïna, 15 ans, assassinée à Creil par son petit ami quand celui-ci apprend qu’elle est enceinte. Son histoire n’est pas un fait divers mais un fait de société, celui du sexisme exacerbé qui perdure dans certaines cités. Vingt ans après Sohanne Benziane, une jeune fille est à nouveau brûlée vive. Comment en sommes-nous arrivés là ?
À partir de l’histoire de Shaïna, cette enquête plonge le lecteur dans les lois tacites d’un quartier — une femme se doit d’être « respectable », afin de ne pas être en proie à des rumeurs et à une réputation de « fille facile » dont elle ne pourra se départir. Ses vêtements, ses fréquentations ou sa sexualité sont sous contrôle et deviennent un enjeu collectif.
Pendant une année, Laure Daussy, journaliste à Charlie Hebdo, a recueilli le témoignage d’habitantes de Creil, pour porter leur voix. Ces filles n’ont pas eu accès au mouvement MeToo, certaines n’en ont même jamais entendu parler.
L’ouvrage est rythmé par des portraits de femmes, qui doivent parfois se cacher pour aimer et vivre librement. La parole des garçons se fait aussi entendre, pour essayer de comprendre comment ils en arrivent à imposer leurs lois, au nom de leur propre « réputation ».
Cet ouvrage est également une enquête en immersion dans la ville de Creil, au cœur de problématiques contemporaines. La montée d’un rigorisme religieux depuis l’« affaire des foulards », la désindustrialisation, la ghettoïsation et l’abandon des populations les plus en difficulté. Pour protéger ces femmes, la justice et les services publics se révèlent trop souvent inadaptés. Dans ce contexte, les pires rumeurs prospèrent et créent ainsi des ghettos sexistes.