L’aventure de la pensée fait parfois le meilleur des romans d’aventures. Sous ses abords sévères, l’essai théorique est un genre littéraire comme un autre, avec ses figures, sa dramaturgie et ses effets de suspens. L’essai théorique, quand il travaille au mieux son style et son esprit, peut procurer le même inusable plaisir de lecture qu’une œuvre de fiction ou qu’un poème.
L’œuvre singulière du théoricien français Gérard Genette me donne ainsi l’excellent prétexte d’une enquête sur le travail du style dans l’essai théorique. De quelle manière met-on en scène le déroulement d’une pensée ? À quels dangers s’expose-t-on quand on abuse des métaphores ? Quels sont les pouvoirs de la néologie ? Qu’arrive-t-il quand l’écriture au second degré abandonne sa position surplombante ? Plus important encore : en quoi l’humour sert-il la théorie ?
Cette promenade dans l’œuvre de Genette nous fera côtoyer du beau monde : Barthes, Proust, Flaubert, Paulhan, Borges (bien sûr), ainsi qu’une nuée de théoriciennes et de théoriciens. Assez vite, on s’apercevra que l’art de la rhétorique, qu’on avait cru enterré par les avant-gardes du vingtième siècle, préparait, par le biais des études littéraires, un spectaculaire retour. Ce livre pose au fond une question aussi inquiétante que libératrice : et si l’essai théorique était l’avenir de la littérature ?